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Article publié le 02/03/2022
Mis à jour le 08/03/2022

Marie Moret-Godin, “l’ange gardien” du Familistère de Guise

Ce 8 mars sera la Journée internationale des droits des femmes. Mise en lumière de Marie Moret-Godin, femme d’exception qui veilla tout au long de sa vie sur le Familistère de Guise (02), en étant la collaboratrice fidèle puis l’épouse de son fondateur Jean-Baptiste-André Godin.

On connaît d’elle plusieurs photographies, dont l’une particulièrement révélatrice, qui la montre assise, la main posée sur des ouvrages de Racine et de Voltaire. Il nous reste d’elle également une correspondance très riche dont de nombreuses lettres restent encore à exploiter. Marie Moret (1840-1908), était une femme passionnée par les Lettres, une femme du XIXe siècle mais résolument tournée vers l’avenir. Collaboratrice dévouée puis épouse de Jean-Baptiste André Godin, elle s’investit pleinement tout au long de sa vie dans le projet visionnaire du Palais social de celui-ci : le Familistère de Guise.

Sur la route de Guise

Jean-Baptiste André Godin n’était pas un inconnu pour Marie Moret. Celui-ci était en fait le cousin germain de son père Jacques Nicolas Moret, serrurier de son état. Née en Seine-et-Marne, à Brie-Comte-Robert, Marie Moret montre très tôt un vif intérêt pour les études et part à Bruxelles en pensionnat. Intéressé par les idées de Fourier dès les années 1840, Godin parvient à convaincre son cousin de venir travailler avec lui et lance sa manufacture d’appareils de chauffage et de cuisson, les fameux poêles Godin, qui connaît un succès fulgurant. En 1856, la famille Moret quitte Brie-Comte-Robert pour s’installer à Guise. Pendant le séjour à Bruxelles de Marie, Godin lui rend visite régulièrement et correspond fréquemment avec elle : c’est à partir de ce moment qu’une forte complicité et une communion d’idées naissent entre eux. Se sentant comme appelée par ses sentiments en train de naître et son intérêt pour la pensée de Godin, Marie Moret s’installe à Guise en 1860, alors que les premières pierres du Familistère ont été posées.

Une collaboratrice dévouée au service de la doctrine de Godin

Femme érudite, forgée par les études, Marie Moret devient alors la secrétaire de Godin et s’investit pleinement dans la tâche de diffuser ses idées auxquelles elle adhère complétement. Il faut dire que le projet de Godin est particulièrement ambitieux et révolutionnaire pour son époque. Elle transcrit ses conférences à l’intention de la population du Familistère, chaque jour, avec soin, à son bureau, elle s’occupe de sa correspondance, met son érudition au service de la publication de ses ouvrages… Elle se charge également du secrétariat de rédaction du journal du Familistère "Le Devoir", fondé en 1878. Godin et Marie ne cessent d’échanger ensemble : et Marie a la lourde charge de contribuer à la formulation des idées de l’industriel à la doctrine visionnaire. Fonction qu’elle occupe avec brio.

Mais l’implication de Marie Moret dans l’expérimentation familistérienne va bien au-delà : dès son retour de Bruxelles, elle remplit la fonction de directrice des services de l’enfance : une tâche d’envergure qu’elle prend très à cœur et qui la passionne. Elle veille à la bonne organisation de la crèche et de l’inspection des écoles. C’est une pédagogie moderne qu’elle souhaite y mettre en œuvre. Elle organise des cérémonies mensuelles récompensant les élèves, élabore une méthode d’apprentissage de l’arithmétique par le jeu, choisit et commande les livres à l’usage des maîtres, des maîtresses et des élèves, et organise aussi la fête de l’Enfance, instituée au Familistère en 1863. Un rôle d’ange gardien qui amènent les ouvriers et familles du Familistère à l’appeler affectueusement  "Mademoiselle Marie" ou "Madame Marie".

Un rôle qui prend de l’ampleur et une union officialisée

Le 13 août 1880, Marie Moret, secrétaire du fondateur, devient ainsi officiellement une travailleuse de la Société du Familistère. Elle est la première femme à participer aux délibérations de l’assemblée générale de l’Association. Elle assiste même aux séances du conseil de gérance dont elle rédige les comptes-rendus en qualité de secrétaire du conseil à partir de décembre 1880. Après la mort de l’épouse officielle de Jean-Baptiste André Godin, Marie Moret et Jean-Baptiste André Godin se marient à Guise le 14 juillet 1886. Godin souhaite ainsi "rendre incontestable pour tous, surtout pour les partisans de nos idées, notre affection, notre dévouement, notre entente mutuelle, écrit Godin à Alexandre Tisserant le 19 juin 1886 ; affirmer que Marie, par les services qu'elle me rend et m'a rendus s'est identifiée à moi, qu'elle a mérité de recevoir le dépôt de ma pensée et d'être la compagne avouée et désignée de ma vie et de mes travaux".

Dépositaire de l’héritage intellectuel de Godin

Marie Moret est officiellement instituée dépositaire de l’héritage intellectuel du fondateur du Familistère. Elle aura pour mission de pourvoir à la publication de ses ouvrages et de ses manuscrits après sa mort et, s’il y a lieu, de publier et diriger le journal "Le Devoir". Lorsque Godin meurt subitement le 15 janvier 1888, Marie Moret-Godin est élue administrative-gérante de la Société du Familistère mais ne souhaite exercer ces fonctions que temporairement, préférant se consacrer pleinement à la publication du Devoir – réunion des articles, surveillance de la composition, relecture des épreuves, diffusion des numéros et abonnements…-, aux manuscrits de Godin et à la rédaction de sa biographie. C’est elle qui subvient seule au financement du journal.

Elle est nommée officière des Palmes académiques pour le rôle qu’elle a joué dans le système éducatif du Familistère. L’insigne lui est remis le 19 octobre 1890 au Familistère par le ministre des Travaux publics Yves Guyot.

Mort de Marie Moret-Godin et un souvenir gravé dans le marbre

Marie Moret-Godin meurt à Guise le 14 avril 1908. Toute sa vie aura été dédiée à l’œuvre de Godin. Sa dépouille est inhumée aux côtés de celle de son époux.

En conclusion de son mémoire de Master sur "Marie Moret (1840-1908), collaboratrice de Jean-Baptiste André Godin et directrice des Services de l’enfance du Familistère de Guise (Aisne)", Marie-Pierre Focillon Humbert écrit en 2012 : "En définitive, deux images contrastées de Marie Moret se superposent. D’un côté, c’est une femme appartenant au XIXe siècle, assujettie à un rôle de faire-valoir, effacée, dévouée jusqu’au sacrifice, négligeant ses propres aspirations d’écrivain, abandonnant toute prétention personnelle et refusant les louanges. D’un autre côté, c’est une femme intellectuelle tournée vers le XXe siècle qui aborde les domaines de l’action et de la décision réservés selon la "nature"’ aux hommes maîtrisant la culture, une femme qui étudie les sciences, qui a des opinions politiques, une rédactrice, une femme directive qui conseille et impose."

Sous un buste en bronze représentant Marie Moret, l’Association a fait graver : "Marie Adèle Moret, épouse et fervente collaboratrice de Jean-Baptiste André Godin, fondateur du Familistère".  Personnalité discrète, Marie Godin n'en a pas moins contribué activement à la concrétisation des idées du grand réformateur.

 

 

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