Les métiers d’art en Hauts-de-France

Les métiers d'art sont représentés par de très nombreuses professions et des savoir-faire spécifiques. Tous sont enseignés en Hauts-de-France par le biais de l’apprentissage et avec le soutien de la Région !

A la frontière de l’artisanat et de l’art, de l’œuvre et du chef-d’œuvre, les métiers d’art occupent une place à part entière au sein de la filière artisanale. Restauration du patrimoine, création contemporaine et métiers traditionnels sont les piliers de ce secteur d’activité qui compte plus de 200 métiers différents.

Retrouvez ici quelques exemples.

 


L’art sans fard de Jean-Michel Bouchard

Avec ses outils, Jean-Michel Bouchard modèle, façonne et donne vie aux pierres. Rencontre avec un artisan qui a fait le tour de la France avant de venir exercer – avec succès – son art sur ses terres natales des Hauts-de-France.

Un savoir-faire forgé auprès des Compagnons

Le soleil se lève sur Fresne-Léguillon, un petit village de 500 âmes du sud de l’Oise. Dans la rue nationale, les bruits de marteaux résonnent dans l’atelier de l’entreprise JMB Taille de Pierre. En compagnie de ses employés, Jean-Michel Bouchard travaille à la remise en état d’un dais, habituellement présent dans une église de la région mais abîmé par les ravages du temps. Sous les mains expertes du tailleur de pierre et après plusieurs centaines d’heures de travail, les sculptures de ce massif chef-d’oeuvre religieux retrouvent leur lustre d’antan.

Derrière sa barbe foisonnante, le sourire toujours vissé aux lèvres, Jean-Michel est fier d’exercer son art sur ses terres natales. Son atelier, où travaillent au quotidien des tailleurs de pierre professionnels, a des airs de cathédrale. Ici trônent, au milieu des blocs de pierre et des espaces de travail, des blasons, des cheminées et autres chapiteaux finement ciselés.

"J’ai découvert la taille de pierre à 17 ans, au moment où je réalisais que le système scolaire ne me convenait pas. Sur le chantier de la cathédrale de Rouen, j’ai été fasciné par le savoir-faire d’hommes hors du commun : les Compagnons", explique l’artisan qui porte fièrement les anneaux d’or sur les lobes de ses oreilles, les signes de la liberté d’un mouvement né au Moyen Age. "Ils m’ont directement donné des outils et m’ont expliqué leur travail. Ce fut une révélation."

Jean-Michel Bouchard se lance alors sur les pas des descendants des bâtisseurs médiévaux. Leur fonctionnement reste inchangé depuis des décennies : chaque jeune qui veut s’initier au compagnonnage doit suivre une formation basée sur l’apprentissage, la vie en communauté, le partage des savoirs et le voyage, le fameux Tour de France. "J’ai commencé mon apprentissage à Marseille. Je me suis baladé partout en France et j’ai enchaîné les chantiers prestigieux : je suis passé d’un chantier sur la cathédrale de Tours au chevet de la Sainte-Chapelle à Paris, en passant par les Vosges, la Ville Rose… Au bout de 15 ans, je dirigeais les travaux de la cathédrale du Caire, en Égypte."

De l’or au bout des doigts

En 1997, à la fin de son Tour de France, le compagnon pose son burin, son équerre, son compas et son marteau dans son village natal de Fresne-Léguillon. Son objectif : vivre de sa passion et apprendre les rudiments du métier aux jeunes. "Pendant mon apprentissage du métier, j’ai découvert les différentes variétés de pierres et les multiples façons de les travailler. Mais je dois continuer, tous les jours, à façonner l’or que j’ai entre les doigts, à me documenter, à me former."

Au fil des années, Jean-Michel Bouchard parfait donc son art. En 2004, cet habitant des Hauts-de-France remporte le concours de Meilleur ouvrier de France. Quelques années plus tard, son entreprise – JMB Taille de Pierre – est labellisée Entreprise du patrimoine vivant. "C’est la consécration, la reconnaissance d’un travail exécuté dans les règles de l’art. Le tailleur de pierre possède une expertise et un savoir-faire très particuliers, que l’on ne retrouve dans aucun autre corps de métier. Voilà pourquoi je peux travailler à la fois sur un chantier de rénovation d’une église de village ou d’un fronton de mairie et construire, pour un couple de particuliers, un escalier monumental ou une salle de bains. Je fais toujours du sur-mesure."

A la fin de l’année 2014, après plus de trente ans d’exercice, il a reçu le prix national Stars et Métiers, qui récompense les chefs d’entreprises artisanales pour leur savoir-faire et la réussite de leurs projets innovants. "Depuis 1997, j’ai formé 27 jeunes à la profession très exigeante de tailleur de pierre. C’est un métier-passion, que je me dois de transmettre aux générations suivantes, comme me l’ont enseigné les Compagnons."

Partout où il passe, sur les pierres des cathédrales comme dans le cursus de ses étudiants, Jean-Michel Bouchard laisse pour toujours son empreinte.


Huchez : 5 générations, une précision absolue

L’horloge astronomique de la cathédrale de Beauvais arbore 52 cadrans composés de 90 000 pièces. C’est l’œuvre d’Auguste-Lucien Vérité, horloger du roi.

Ce chef d’œuvre de 1832 n’est pas unique. A.L. Vérité a également conçu l’horloge astronomique de la cathédrale de Besançon… 180 ans après, l’atelier d’artisan s’est diversifié pour concevoir, fabriquer, décorer et installer les horloges publiques et devenir en parallèle, le 1er fabricant français de treuils et engins de levage. Les deux PME performantes font vivre Ferrières, entre Montdidier et Maignelay-Montigny, à l’heure de l’innovation permanente.

Vérité, puis Renard, Joly et enfin Huchez : la société s’est développée au cours du XIXe siècle, au rythme de l’industrialisation du pays, exigeant un horaire précis pour les trains, l’entrée à l’usine et l’école… L’horloge de l’église et du beffroi servent de référence pour tous les habitants. Après la guerre, Huchez met au point les pointeuses, utilise le système à quartz puis la gestion informatisée de l’heure, l’automatisme et, dès 1998, Jean-Paul Huchez adopte la synchronisation par satellite, qui garantit l’exactitude absolue des horloges. Quasi toutes les églises des villages picards sont équipées Huchez. Du coup, le changement d’heure entre l’été et l’hiver est automatique. Un marteau automatique fait tinter les cloches pour dire l’heure ou sonner le glas et les balance à toute volée pour célébrer une fête ou un mariage. Spécialiste de la gestion du temps, la maison restaure toutes ses créations et les modernise à l’occasion.

Aujourd’hui

Autour de François Huchez, une vingtaine de personnes conçoit des horloges monumentales et les installe à des hauteurs insensées. Le record ? Le double cadran de 10m de diamètre à la gare de Cergy-Pontoise. Huchez indique l’heure dans les aéroports d’Orly et de Casablanca au Maroc, à Paris, à l’entrée du palace Georges V, de l’opéra Bastille et de la banque CCF sur les Champs-Elysées ...
L’entreprise exporte en Amérique et la télévision nous a montré l’horloge de la cathédrale d’Haïti arrêtée à l’heure du séisme de 2010 …

L’esprit de famille

L’esprit de famille qui anime la société est la base du service qui a fait la réputation de la maison. Les employés « assurent », quel que soit le jour et … l’heure… La PME garde ses salariés souvent toute leur carrière. Et elle dispose d’une sœur jumelle de l’autre côté du village, Huchez treuils. Antoine Huchez dirige cette seconde branche développée depuis une soixantaine d’années. Les engins de levage sont manuels, électriques, pneumatiques, électroniques ou hydrauliques, ils servent à lever ou à creuser dans les travaux publics, l’industrie, les mines, la conservation des céréales, les ports. Huchez est très connu en Afrique pour avoir ouvert des puits qui font jaillir l’eau. En fait la société de Ferrières, qui compte 55 salariés, est leader du marché français et exporte partout dans le monde des engins de 6kg à 6 tonnes. Car le bureau d’études conçoit les éléments sur mesure, répond toujours oui et répond dans la journée ! Il existe une gamme infinie de possibilités en fonction de la hauteur, de la portance, de la vitesse. Si bien que chaque produit est unique.


Francis Crépin, carillonneur à Saint-Quentin

Depuis 1643, les cloches de l’Hôtel de Ville rythment la vie des Saint-Quentinois. À son sommet, Francis Crépin.

Dans le paysage campanaire des Hauts-de-France, le carillon de Saint-Quentin tient une place particulière, notamment pour son ancienneté. Depuis 1643, les cloches de l’Hôtel de Ville rythment la vie des Saint-Quentinois.

Nous partons aujourd’hui dans ce lieu discret, en immersion, à la découverte des secrets de ce carillon qui, bien que beaucoup plus léger que ses grands frères du Nord (Avesnes-sur-Helpe, Douai…), n’a pas à rougir de ses qualités et de son histoire.

Entretien avec Francis Crépin, carillonneur de Saint-Quentin, qui nous emmène dans ce voyage à travers le son et le temps.


Flavien Maréchal taille son avenir

Flavien Maréchal se prépare pour la grande finale nationale des Olympiades des métiers, à Bordeaux, dans la catégorie "Taille de pierre". Un défi pour ce jeune lycéen de 17 ans, benjamin de l'ensemble des compétiteurs engagés.

De son propre aveu, il n'aimait pas trop l'école. Les heures passées dans les salles de classe, les matières à réviser, très peu pour Flavien… Lui, c'était d'un métier manuel dont il rêvait, loin des tableaux et plus proche de ses feuilles de dessin. Bien lui en a pris : depuis deux ans, il est élève au lycée de l'Acheuléen, à Amiens (80), en dernière année de formation au bac professionnel "Taille de pierre".

"J'ai découvert le lycée et l'atelier m'a tout de suite plu, explique le jeune homme originaire de Roye. J'ai tout de suite su qu'il fallait que je vienne apprendre ici, loin de chez moi. Une fois que j'ai reçu le feu vert de mes parents, je me suis lancé. Et je ne regrette pas."

Le vrai plus de son cursus : apprendre les rudiments de son métier dans l'atelier, avec ses professeurs et ses camarades, puis parfaire ses gestes en entreprise. Il y a quelques semaines, Flavien était mobilisé sur le chantier de restauration de Notre-Dame d'Amiens, la cathédrale gothique la plus vaste de France !

Dans la spirale des Olympiades

Dès ses premiers jours de formation, Flavien est repéré par l'un de ses professeurs, Fabrice Fouache. Ancien tailleur de pierre à Beauvais et Saint-Maximin (60), il décèle en le jeune homme une graine de champion et lui propose alors de s'inscrire aux sélections régionales des Olympiades des métiers. "Je ne connaissais pas du tout ce concours, avoue Flavien. Je n'ai pas pu me préparer comme je le voulais, mais j'ai tenu à me présenter. Je me disais que ça me ferait une bonne expérience supplémentaire. Et ça a marché."

 Au lycée Jacques Le Caron d'Arras (62), en mars 2016, il a affiché une maîtrise et un calme singuliers qui lui ont permis de surclasser ses concurrents. Après avoir été sacré meilleur jeune tailleur de pierre des Hauts-de-France, voilà le lycéen lancé sur la route des finales nationales des Olympiades des métiers, la plus grande compétition professionnelle réservée aux moins de 23 ans.

Quelques semaines avant le grand jour, lui et son coach ont reçu le sujet de la finale : il devra réaliser pendant deux jours et demi un octogone avec une pénétration en main courante. Sur les documents transmis, pas de cote, aucune dimension ni réelle indication sur le type de matériau à travailler, mais déjà une certitude : "le niveau devrait être très, très élevé, car c'est une pièce difficile à réaliser, avec de nombreux pièges à éviter, confie Fabrice Fouache.

Un vrai plus dans la formation

Bien décidé à exceller, Flavien se prépare aujourd'hui pour être le meilleur. Jusqu'aux finales, ses formateurs lui ont concocté tout un programme. Annulé le mois de stage en entreprise, place aux entraînements intensifs. "C'est un atout supplémentaire dans sa formation, confie Moïse Lefebvre, l'un de ses professeurs. Il va se retrouver à Bordeaux face à des compétiteurs plus âgés, avec davantage d'expérience et un tour de main aguerri. Mais rien ne semble lui faire peur. Il ira à Bordeaux en outdiser."

 Flavien, lui, veut y croire. Gwendoline Barré, la candidate régionale des précédentes finales nationales des Olympiades, organisées en mars 2015 à Strasbourg, avait déjà été formée à Amiens. Aujourd'hui, elle a passé avec les félicitations du jury son brevet des métiers d'art, le plus haut grade accessible à un apprenti.

"J'aimerais suivre le même chemin qu'elle, espère le finaliste. À Bordeaux, tout sera jugé dans les moindres détails : le tracé, le gabarit, la finition… Je ferai de mon mieux." Avec une médaille à la fin du concours ? Réponse le 11 mars et bonne chance à Flavien !

 


“Oui, l’artisanat c’est aussi l’avenir de notre région !”

À l'occasion de la Semaine nationale de l'artisanat, organisée du 16 au 23 mars 2018, Christophe Coulon, vice-président en charge de l'apprentissage et de l'artisanat, détaille l’action au quotidien de la Région pour les artisans des Hauts-de-France.

On décrit l'artisanat comme "la première entreprise des Hauts-de-France". Qu'en est-il réellement ?

Christophe Coulon : L'artisanat est très clairement l'une des premières forces économiques des Hauts-de-France, avec 80 000 entreprises de proximité et 230 000 emplois. Chaque année, ce sont 6 000 nouveaux emplois créés dans la région. Le secteur est incarné par des hommes et des femmes qui ont à cœur de transmettre leurs savoir-faire, leur passion du travail bien fait.

C'est aussi un vecteur de lien social, tant l'artisanat irrigue la totalité du territoire, dans les villes comme en milieu rural : on compte en Hauts-de-France 128 entreprises artisanales pour 10 000 habitants. Tous les jours, auprès de votre boulanger, votre boucher, avec votre plombier ou encore le peintre qui rénove votre logement, vous êtes amenés à côtoyer directement des artisans.

Que fait la Région pour soutenir les artisans des Hauts-de-France ?

Christophe Coulon : La Région s'affirme - depuis le début de notre mandat - comme la Région pro-business, pro-entreprises : c'est donc tout naturellement qu'elle soutient les artisans, qui créent des emplois dans les Hauts-de-France. Nous voulons répondre de manière efficace et adaptée aux besoins. Je pense, par exemple, au plan Starter pour la création et la reprise d’activité, ou au soutien à la modernisation des équipements.

Nous voulons même aller plus loin : au cours de l'année, je présenterai aux élus régionaux un nouveau cadre en direction des artisans, pour une meilleure visibilité, conçu en lien avec les branches professionnelles et nos partenaires. Les artisans des Hauts-de-France ont besoin de faire grandir leurs entreprises, de monter en compétences, d'être accompagnés dans la digitalisation, ou même de développer leurs savoir-faire en France et à l'étranger ? La Région sera au rendez-vous et répondra très concrètement à leurs attentes.

L'artisanat est un secteur dynamique et pourvoyeur d'emplois. Pourtant, il arrive encore que les jeunes choisissent cette filière par défaut. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser ?

Christophe Coulon : L'image de l'artisanat est en train de changer positivement et les jeunes générations sont de plus en plus en quête de sens. Vous cherchez un emploi passionnant, durable, qui vous permettra de prendre votre destin en main ? Faites le choix de l'artisanat !

L'artisanat présente des débouchés formidables pour tous. La Région l'a bien compris et choisit d'accompagner les jeunes dans leur formation, notamment avec le plan de développement de l’apprentissage le plus ambitieux de France. Par exemple, nous soutenons quotidiennement les apprentis dans leur parcours de formation sous forme d’aide à l’équipement, au transport, à l’hébergement…

Nous voulons permettre à toutes et à tous de devenir eux-mêmes, un jour, entrepreneurs et artisans. Oui, l’artisanat c’est aussi l’avenir de notre région !