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Article publié le 26/10/2018
Mis à jour le 01/10/2020

Romain Rossi : “même si j’arrive dernier, je serai champion du monde !”

Le 4 novembre 2018, le skipper régional Romain Rossi prendra le départ de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Une première pour ce navigateur amateur qui a quitté son emploi d'ingénieur énergie pour se consacrer entièrement à ce projet qu'il prépare depuis trois ans. Rencontre.

Romain Rossi
37 ans
De Béthune (62), habite à La Madeleine (59)
Ce navigateur amateur participe à la 40e édition de la Route du Rhum, la célèbre traversée transatlantique en solitaire, au profit de la fondation DigestScience. Il est accompagné par l’association Le Souffle du Nord et est soutenu par la Région Hauts-de-France.
Qualités : "audacieux et tenace"
Défauts : "un peu insistant quelques fois !"

Romain, comment est née votre passion pour la voile ?

"J'ai une histoire ultra-commune pour un jeune de la région. Quand j'étais petit, j'allais en vacances au Touquet (62) et mes parents m'ont inscrit un été à un stage de voile. Au début, je n'aimais pas trop ça… L'Optimist ça n'était pas très drôle et puis j'avais froid ! Heureusement les combinaisons en néoprène sont vite apparues et j'ai débuté le catamaran. À partir de là, tous les étés, je faisais 2 à 4 semaines de voile. En 1992, j'ai eu la possibilité d'être embarqué sur le voilier de quelqu'un de ma famille et de voguer jusqu'à Brest pour assister au rassemblement de vieux gréements. C'était génial de vivre ça à 11 ans !"

Comment passe-t-on de l'Optimist à la Route du Rhum ?

"À 14 ans, j'ai débuté une formation en encadrement au cercle nautique du Touquet et à 16 ans, j'ai obtenu le diplôme de moniteur. J'ai effectué onze saisons en tant que moniteur ! Je passais mes étés à faire de la planche à voile, du catamaran ou du laser. Après les navigations ou l’encadrement de jeunes, je bidouillais les bateaux pour les remettre en état pour le lendemain. J’aimais beaucoup ça. Après mon bac, j'ai fait des études d'ingénieur spécialisé dans la gestion des énergies. Cela m'a permis de mieux comprendre la mécanique du voilier. Chaque été, je travaillais comme skipper sur des bateaux de plaisance. Cela me permettait de naviguer un peu en Europe."

Pourquoi avoir voulu participer à la Route du Rhum ?

"En 2015, j'ai vu dans le peloton de départ de la Route du Rhum énormément d'hommes et de femmes amateurs et de tous horizons. Je me suis alors dit : pourquoi pas moi ? Mais pour participer à une course au large, il faut un bateau et donc beaucoup d'argent et à cette époque-là je ne connaissais personne, je ne suis pas du sérail…
Pour convaincre des sponsors, j'ai voulu donner du sens à cette aventure, et j'ai contacté la fondation DigestScience."

Pourquoi êtes-vous devenu un ambassadeur de la fondation DigestScience ?

"DigestScience est une fondation lilloise que je connaissais car j'avais déjà participé à des manifestations. Elle œuvre dans le domaine des maladies de l’appareil digestif et la nutrition. Les MICI (maladies inflammatoires chroniques intestinales, comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique dite RCH) touchent 250 000 personnes en France dont 25 000 dans notre région (la plus touchée en France) ! En tant qu'ambassadeur de DigestScience, je souhaite sensibiliser le plus grand nombre de personnes sur ces maladies et inciter à soutenir la recherche."

Comment est né votre projet ?

"Dès que j'ai pris la décision de courir la Route du Rhum au profit de la fondation DigestScience, j'ai trouvé des partenaires qui ont choisi de me suivre avec l’envie d’agir utilement pour les autres. En décembre 2017, j'avais couvert 65 % de mon budget, j'ai pu acquérir mon bateau (un Class40). Très vite, je me suis rendu compte que le bateau était trop gros pour moi, plus compliqué que ce que j'avais connu, avec plus de réglages. Il a fallu que je m'entoure. Aujourd'hui j'ai onze personnes qui m'accompagnent : un coach, un préparateur mental, un naturopathe… et le Souffle du Nord."

Quelle aide vous apporte l’association Le Souffle du Nord ?

"J'ai rencontré l’association régionale Le Souffle du Nord à la fin de l'année 2017. Il nous a fallu une heure pour qu'on décide de s'engager ensemble. Leur soutien est inestimable ! Le Souffle du Nord met en lumière le projet et va chercher des mécènes. Avec la fondation DigestScience, on est une équipe, un triptyque qui fonctionne super bien. Ce n’est plus simplement un défi personnel, c’est un défi régional qui en porte les valeurs" .

La Région Hauts-de-France vous soutient également. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

"Le soutien de la Région m'apporte une énorme fierté. J'ai l'impression d'être porte-drapeau aux Jeux olympiques ! C'est aussi une fantastique caisse de résonance pour la fondation DigestScience et pour la recherche sur ces maladies digestives (maladie de Crohn et RCH) qui sont totalement taboues et qui pourtant sont un vrai fléau. Il faut libérer la parole."

En quoi consiste la préparation à une telle course ?

"Depuis plusieurs mois on prépare le bateau, on achète le matériel… J'ai également navigué en équipe, en double et en solo, histoire d'apprendre à connaître le bateau. Ce qui est nouveau pour moi, c'est la préparation mentale. Je suis face à l'inconnu, beaucoup de gens comptent sur moi… Il y a tous les composants pour avoir les pétoches ! La préparation mentale consiste à apprendre à gérer son énergie, trouver une stratégie comportementale, préparer des routines, utiliser la sérénité… Il y a aussi la gestion du sommeil. Pendant la course, je vais dormir par tranches de 20 minutes 10 à 14 fois par jour !"

Comment ont réagi vos proches à l'annonce de votre participation ?

"En décembre 2017, ma femme a compris que j'allais vraiment le faire. Avant je pense qu'elle n'y croyait pas réellement. Pour réaliser ce rêve, j'ai pris un risque professionnel, financier mais aussi familial. Tous mes congés, mes week-ends et mes soirées sont passés dans la préparation. Heureusement ma famille (sa femme et ses deux garçons de 4 et 2 ans) m'a beaucoup soutenu. Aujourd'hui je pars serein. "

À quelques jours du départ (le 4 novembre 2018), comment vous sentez-vous ?

"Je suis un peu stressé, je dors beaucoup et je prends soin de moi ! Il n'y a plus rien à changer maintenant, juste se reposer pour bien appréhender le tourbillon émotionnel qu'il y aura lors du départ. Au village, il faudra rester concentré, dans sa bulle."

Quels sont vos objectifs ?

"Mon objectif était d'être au départ. C'était mon défi : prouver qu'un homme ordinaire peut réussir en trois ans à s'aligner au départ d'une course prestigieuse avec les meilleurs skippers du monde ! Maintenant j'entre dans la dimension plaisir. Mon objectif personnel, c'est de finir. On sera 124 bateaux au départ à Saint-Malo. Il faudra être très prudent le premier jour avec le trafic maritime et ensuite très sécuritaire dans le golfe de Gascogne. Après c'est la traversée transatlantique, douze jours seul en pleine mer. Je table sur 20 jours de navigation en tout. Même si j'arrive dernier, je serai champion du monde ! Après je connais quelques-uns de mes concurrents, alors si je peux les doubler je ne me gênerai pas, mais ce sera en naviguant proprement et sans prendre de risques pour le bateau."