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Article publié le 01/04/2022
Mis à jour le 01/04/2022

Histoire : les enjeux de l’affaire du vase de Soissons

Comment la commune de Soissons, en Hauts-de-France, fut le théâtre de la plus célèbre des affaires de notre histoire, préfigurant la conversion et le baptême de Clovis.

C’est le récit cruel d’une rancune tenace. Rapportée par l’historien (mais aussi évêque et écrivain) Grégoire de Tours dans sa célèbre "Histoire des Francs" au 6e siècle, "l’affaire" du vase de Soissons, réelle, a traversé les siècles pour se graver dans la mémoire collective de notre pays.

Elle trouve ses racines en Hauts-de-France vers l’an 486. C’est alors le roi Clovis, dont la résidence est à Soissons, qui préside aux destinées du royaume. La France est en guerre contre les Romains, dont les armées sont conduites par Sygarirus. Chacune des armées se livre à de nombreux pillages et, parmi ceux-ci, celui de la Cathédrale de Reims. Dans le butin se trouve un vase liturgique de grande taille, en métal précieux (ou en pierre d’agate selon les sources). Très attaché à cet objet, l’évêque de Reims fait alors demander à Clovis de bien vouloir lui rendre, en contrepartie de quoi il accepte de lui laisser tout le reste.

Promesse tenue

Clovis, qui souhaite se faire pardonner les pillages et surtout se ménager les faveurs de l’église, accepte et invite l’évêque à se rendre à Soissons où doit se tenir le partage des butins par tirage au sort entre ses hommes, comme c’est la tradition.  Il l’assure qu’il récupèrera le vase et qu’il le lui restituera.

Au jour convenu, l’armée du roi est rassemblée sur la place principale de Soissons, autour du butin. Honorant sa promesse à l’évêque, Clovis, levant la main, demande à titre de faveur le vase pour lui-même, en plus de sa part.

" Tout ce que nous voyons ici est à toi, glorieux roi," clament alors d’une seule voix les valeureux soldats. Tous… Sauf un, décrit comme nerveux et impulsif qui, criant à l’injustice, se jette alors sur le vase, et le frappe violement avec sa hache en disant : "non ! Tu ne recevras que ce que le sort t’attribuera vraiment ! "

Magnanime, Clovis encaisse l’affront en silence et l’évêque de Reims récupère tout de même son vase, largement endommagé. Mais la rancune est tenace….

"Souviens-toi du vase de Soissons"

Quelques mois plus tard, alors que Clovis passe ses guerriers en revue, il repère un soldat dont la tenue n’est pas propre. Il s’empare alors des armes de cet homme et les jette à terre. Lorsque le soldat se baisse pour les ramasser, Clovis saisit sa francisque et, d’un coup brutal, lui broie le crâne en ayant ces mots : "souviens-toi du vase de Soissons ". Il avait reconnu le soldat qui avait quelques mois plus tôt brisé le vase devant l’évêque.

Si cette histoire, somme toute anecdotique, a traversé les siècles et s’est imposée dans la mémoire collective des Français, c’est probablement parce qu’elle symbolise la nature du pouvoir de Clovis, roi à la fois magnanime et fort. Elle porte aussi, tout en l’annonçant, le cheminement du roi des Francs vers sa conversion à la religion après des années d’actions guerrières marquées par les pillages d’édifices religieux.

La morale de cette histoire pourrait être, comme le suggère l’historien belge du 19e siècle, spécialiste de la période, Godefroid Kurth : " que les barbares y regardent à deux fois avant de s’opposer à ce que justice soit rendue à un évêque et à son église ". Et à leur roi converti et ambitieux.