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Article publié le 12/06/2018
Mis à jour le 01/10/2020

Gérard Lamps : de l’ombre à la lumière

Si son nom évoque des souvenirs en Hauts-de-France, il est surtout unanimement salué dans le monde du cinéma. En 40 ans de carrière, Gérard Lamps a travaillé au mixage sonore de 250 films, de "Tchao Pantin" à "The Artist" ou "Les Saisons".

Le chant des vagues dans Le Grand Bleu de Luc Besson, c'est lui. Les concerts grandioses de Tous les matins du monde, d'Alain Corneau, aussi. Les canonnades de Capitaine Conan, de Bertrand Tavernier, encore lui. Les résonances du numéro de claquettes de Jean Dujardin dans The Artist, de Michel Hazanavicius ? Toujours lui. Tout au long de sa carrière, pourtant, Gérard Lamps a su rester loin du halo des projecteurs, comme tapi dans l'ombre. D'ailleurs, cet ingénieur du son et mixeur de cinéma de renom déclare volontiers être "bien plus à l'aise derrière une console et des micros" que sur un générique de fin.

Son immense filmographie et sa maîtrise technique parlent pour lui : 40 ans de travail acharné – "la longévité, ma plus grande fierté" - pour une participation technique à des chefs-d'œuvre du grand écran, de Tchao Pantin de Claude Berri à Harry, un ami qui vous veut du bien de Dominik Moll, de Nikita de Luc Besson à La Marche de l'empereur de Luc Jacquet. Au total, le natif des Hauts-de-France (aujourd'hui retiré en région bordelaise) a apporté sa touche personnelle à plus de 250 films. Avec succès : Gérard Lamps a été nommé à 19 reprises aux Césars, pour 7 statuettes collectées !

En quête de l'harmonie

Si son nom résonne dans la mémoire des Amiénois (René Lamps a été maire d'Amiens de 1971 à 1989), Gérard n'a pas l'aura médiatique de son père. Lui, qui avoue "une grande timidité naturelle", a choisi seul sa voie, soutenu sans réserve par ses parents. Et, à l'image de tant de grands destins, son choix de vie découle d'un pur hasard : deux amis qui jouent de la musique à Amiens, pendant les années lycée, l’un dit "j'aimerais devenir ingénieur du son et enregistrer de la musique" quand l'autre vit une révélation. À quoi tient une orientation professionnelle, finalement ? "Ce que je ne savais pas encore, c'est que j'allais délaisser la musique au profit du cinéma…"

Un BTS "Cinéma option son" - décroché à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, "le lieu idéal pour se former aux métiers du cinéma" - en poche, le jeune Gérard fait ses gammes au studio Dovidis où il entre comme directeur technique. "J'ai fait l'acteur (j’étais vraiment très mauvais), j'ai été ingénieur du son de tournage, mais  je n'aimais pas du tout le rythme de tournage d’un plateau. En revanche, j'y ai attrapé le virus du cinéma. Alors, après avoir touché à tous les métiers du son au cinéma, je me suis lancé dans le mélange, le mixage." D'abord appelé à intervenir sur des émissions télévisées, il s'impose rapidement comme l'étoile montante du mixage, aux côtés d'autres "pointures" comme Dominique Hennequin ou Claude Villand. "J'adorais le travail en auditorium, en post-synchronisation, loin des regards et à la recherche de l'accord parfait." Avec l'expertise qu'on lui connaît.

Avec Resnais, Tavernier, Canet…

Très vite pris sous l'aile de Bertrand Tavernier (qui fera appel au mixeur sur l'ensemble de ses films à partir de La Passion Béatrice) puis aux côtés d'Alain Resnais (le père de l'éternel Nuit et Brouillard), Enki Bilal, Guillaume Canet et tant d'autres, Gérard Lamps œuvre sans relâche pendant quatre décennies, en Hauts-de-France (pour Papy fait de la résistance, de Jean-Marie Poiré, par exemple) comme dans toute la France. L'homme essaye de raccrocher à 60 ans ? La profession le réclame pour un dernier tour de piste, qui durera dix ans ! Aujourd'hui, il narre ses souvenirs, non sans nostalgie, aux jeunes générations. Et divulgue volontiers ses conseils aux jeunes techniciens qui viennent le solliciter.

"Il existe, bien entendu et heureusement, des formations pour accéder au métier de mixeur de cinéma. Mais rien ne vaut l'expérience, le ressenti auprès des réalisateurs. Mon métier demande une relation très particulière avec celui qui imagine le film, du scénario à la réalisation. Il faut comprendre la force du message à véhiculer, jouer sur les sons, installer une ambiance… Et la responsabilité est énorme : un très bon ingénieur du son ne pourra jamais améliorer un mauvais film. Mais un mauvais mixage pourra détruire le meilleur des films." Force est de constater qu'avec sa patte, Gérard Lamps su se faire un nom (et un prénom) et contribuer au succès public de grands classiques du cinéma français. Visionnés dans les salles obscures, bien à l'ombre…