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Article publié le 27/10/2021
Mis à jour le 29/10/2021

Berthe au grand pied : l’incroyable destin d’une femme puissante née à Laon

Mére de Charlemagne, Bertrade de Laon, dite "au grand pied" a consacré sa vie à construire le destin de son fils et celui du royaume de France.

S’il est difficile d’accorder les historiens sur la date (entre 742 et 748) et encore moins le lieu de naissance de Charlemagne (le village de Quiezy, dans l’Aisne est toutefois souvent cité), on sait que sa mère, Bertrade de Laon dite Berthe au Grand pied, est née près de Laon, à Samoussy, autour de l’An 720.

Chantée par les poètes, dont François Villon, décrite comme très belle, cultivée et douée d’une intelligence hors du commun, elle devrait son célèbre surnom à la claudication qui l’aurait affectée en raison d’un piebot. Selon une légende germanique, cette particularité physique, loin d’être un handicap symbolisait à l’époque la capacité surnaturelle à pouvoir évoluer à la fois dans le monde visible et invisible… Ce mythe sera d’ailleurs largement exploité politiquement pour glorifier la puissance de son fils Charlemagne lorsqu’il deviendra Roi des Francs puis Empereur.

Bertrade est la fille du comte Caribert de Laon et de la princesse mérovingienne Bertrade de Prüm, petite fille de Clovis. Elle est donc issue de la meilleure noblesse laonnoise et c’est tout naturellement qu’elle est présentée à Quierzy, tout près de Laon, au jeune Pépin le Bref, alors en poste comme "maire du palais de Neustrie", la plus haute fonction après le roi. La Neustrie s’étend à l’époque dans tout le Nord-Ouest de la France et dans une partie des Flandres.

Première reine des Francs et de la dynastie carolingienne

Pépin est ambitieux et, outre le charme certain de Bertrade sous lequel il tombe, il n’oublie pas que Laon se trouve à l’exact carrefour du monde germanique et du monde latin, un enjeu stratégique pour le pouvoir en France. Leur mariage religieux est célébré en 749, deux ans avant le sacre de Pépin à Soissons par le Pape Zacharie. Il sera sacré de nouveau en 754, à Saint-Denis cette fois, par le Pape Etienne II.

Ces deux couronnements marquent le début de la Royauté carolingienne. Ainsi, la jeune Bertrade devient, en 751, première reine des Francs de la dynastie des Carolingiens. D’emblée, elle prend très à cœur ses fonctions. Loin de l’ingénue louée par les poètes et les ménestrels, Bertrade souhaite exercer toute son influence. Elle conseille son mari, siège dans les assemblées et, surtout, regardant loin devant, elle prépare ses enfants, en particulier Charlemagne, à assumer le destin politique que leur confère leur naissance.

Un talent diplomatique hors du commun

Et lorsque Pépin décède en 768, c’est elle, Bertrade, qui use d’un talent diplomatique hors du commun pour partager le royaume entre ses deux fils : Carloman, qui régnera sur l’Austrasie (Meuse et Moselle jusqu’au Rhin) et qui vit à Soissons et Charlemagne, qui conserve la Neustrie depuis son fief de Noyon où il réside.

En fait, l’essentiel de sa mission consiste à apaiser les tensions très vives entre ses deux fils, deux rois qui ne cachent pas leur rivalité. Bertrade voyage aussi. Beaucoup. Non pas pour le plaisir mais pour prendre en main la politique étrangère du royaume. Elle parle le français aussi bien que l’allemand et ce domaine, dans lequel elle sait pouvoir exercer toute son influence, la passionne.

C’est elle qui, lors d’une rencontre diplomatique avec le roi Tassilon III de Bavière, ramènera dans ses bagages une épouse pour Charlemagne, la fille du roi de Lombardie. Elle le forcera à l’épouser en 770, au terme d’une alliance plus politique que sentimentale. Bertrade construit l’avenir du royaume en même temps que le destin impérial de son fils.

Mère, femme de pouvoir et entremetteuse

Dans l’année qui suit ce mariage, en 771, Carloman, le frère de Charlemagne, meurt subitement à Samoussy, près de Laon. Selon certains historiens, il aurait été empoisonné par son frère. Celui-ci prend immédiatement possession de ses terres, écarte sa mère de toutes les décisions et, pour bien signifier son indépendance et sa puissance… répudie sa femme Désirée.

Comme on pouvait s’en douter, ce divorce provoque un conflit ouvert avec la Lombardie, qui se traduira par la grande guerre entre les Francs et les Lombards. Bertrade, de son côté, qui avait œuvré au rapprochement entre les deux peuples, ne cautionne pas ces décisions. Elle se met en réserve des affaires, quitte Laon et s’installe dans sa résidence royale de Choisy-au-Bac, dans l'Oise, tout près de Compiègne. Elle y décédera autour de l’an 783, à un peu plus de 60 ans. Au fait de sa puissance, Charlemagne fera déplacer le corps de sa mère à qui il devait tant à la Basilique Saint-Denis, aux côtés de celui de son mari Pépin le Bref.

Bertrade de Laon, dite "au grand pied " s’imposera ainsi pour toujours dans l’Histoire de France comme la première grande figure de femme puissante. Mère exemplaire, reine consciente du destin de la France et stratège politique, elle incarne aussi l’esprit de finesse français qui, à l’époque médiévale, se forgea dans les Hauts-de-France pour conquérir le monde.